Comment aborder un incident avec les parents?
#45 ou comment mettre les parents au travail
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Bienvenue dans cette édition #45 de Référence petite enfance.
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Le thème de cette semaine
Un sujet qui coince souvent en crèche, c’est les transmissions. Elles sont au coeur de notre travail. C’est pour ça que j’ai enregistré plusieurs épisodes sur ce thème.
Si comme moi tu trouves qu’il y a du boulot, je te propose d’écouter ou de ré-écouter la mini-série de 3 épisodes sur les transmissions:
Et cette semaine, mon invité sur le podcast a développé une approche innovante des transmissions que tu peux écouter en cliquant ici. Bonne écoute.
Au programme
La problématique
Les défis de la parentalité
La position des professionnels
Une nouvelle approche des relations parent-pro
De sachant à praticien
Une illustration
En conclusion
La problématique
Une crèche (ou autre mode d’accueil) est un lieu de séparation. Bébé va y passer la journée sans ses parents, avec un tiers, en dehors de la maison.
A l’arrivée et au départ de l’enfant, parents et professionnels prennent le temps de se transmettre des informations. L’idée c’est de donner les informations nécessaires à la bonne prise en charge de l’enfant.
C’est à dire que grâce aux informations transmises, nous, les adultes, espérons offrir un maximum de continuité à l’enfant entre ses différents lieux de vie (comment s’est passé la nuit, qu’est ce qu’il a mangé, à quelle heure? Est ce qu’il est de bonne humeur ? etc.)
Le principe semble évident.
Mais pour communiquer les bonnes infos, on a besoin de construire une relation avec le parent, comme un partenariat.
Or les relations parent professionnel sont loin d’être simples en ce moment, à l’heure ou l’un comme l’autre cherchent à redéfinir leur place.
Les défis de la parentalité au 21ème siècle
En 2024, les parents ont la pression. La vision du jeune enfant a beaucoup évolué avec les neurosciences. Les théories pédagogiques se sont développées.
On attend des parents une éducation idéale :
Être bienveillant, calme et pédagogue
Avoir des enfants équilibrés, autonomes et heureux.
Résultat, les parents essayent d'être des parents parfaits, et comme ils n’y arrivent pas, ils essayent de donner le change.
Ils montrent des attentes très élevées. Ils pensent qu’ils doivent obtenir ce qu’il y a de mieux pour leur enfant. Et quand ça ne se passe pas comme prévu, ils ne sont pas contents du tout.
On entend souvent dire à la crèche que “les parents sont exigeants”.


La position des professionnels
En parallèle de la montée en puissance du rôle de parent, le rôle du professionnel de la petite enfance a dégringolé.
Avant, il était considéré comme un sachant, en surplomb des parents. Et le parent comme un non sachant. Mais les relations entre les pros et les parents ont évolué.
Les rôles se sont inversés avec :
L’évolution des attentes envers les crèches : un rôle plus éducatif, moins sanitaire. C’était plus simple de donner des conseils avant, sur l’hygiène ou l’alimentation, que maintenant, sur la bienveillance ou l’autorité. C’est plus subjectif.
La valorisation d’une parentalité instinctive : après tout, être parent c’est naturel. Ne dit on pas que personne ne sait mieux que la mère ce dont a besoin son enfant? Un peu comme si on avait un super pouvoir qui arrivait avec bébé.
Cette évolution remet en question la place de sachant des professionnels et les laisse dans l’incertitude. Ils ne savent plus comment se positionner.
Une nouvelle approche
Pierre Moisset, sociologue de l’accueil de la petite enfance, propose une approche innovante des relations parents-pro. Il appelle ça “mettre les parents au travail”.
Il fait le rapprochement entre l’activité des professionnels et celle des parents. Parce que le parent est confronté au même enfant, aux mêmes dilemmes, aux mêmes questions, que le professionnel.
Alors il pourrait faire le même type de travail.
Dans le cas du professionnel, il paraît évident que s’occuper de l’enfant est un travail et pas un acte naturel.
Par effet de miroir, Pierre remet en question l’idée d’un parent naturel, le mythe de la parentalité immédiate.
Pierre a passé des centaines d’heures à observer, enquêter, interviewer, aussi bien des professionnels que des parents.
Il en conclut que le travail d’accueil du jeune enfant a 3 dimensions:
une dimension pratique : c’est un travail de gestes, de postures
une dimension cognitive : c’est un travail de compréhension, de perception
une dimension affective : car je suis impacté par les vagues affectives de l’enfant
Ces 3 dimensions composent un travail sensible qui repose sur l’observation de l’enfant.
De sachant à praticien
Les pros de la petite enfance ne délivrent pas un savoir aux parents pour les aider à devenir de bons parents. Ils ne savent pas mieux qu’eux.
Mais leur légitimité à s’exprimer vient de leur pratique. De ce qu’ils vivent avec l’enfant au quotidien. Un travail, sans idéal, avec des réussites et des échecs.
Quand on travail, un échec n’est pas un drame, on doit faire avec, y réfléchir, progresser.
À la crèche, j’observe l’enfant, je vis avec lui. C’est comme ça que je passe de sachant à pratiquant de la petite enfance ⇒ je ne détiens pas un savoir théorique immuable mais une expérience acquise par mon travail.
J’observe l’enfant, je m’interroge sur ce qu’il vit.
Lors des transmissions, je mets le parent au courant de mes interrogations et je l’invite à observer l’enfant lui aussi pour m’aider à y répondre.
Soit le parent est déjà dans cette approche d’observation, et on va évoluer ensemble sur le même sujet.
Soit il n’y est pas encore, il découvre ce travail sensible, et peut être qu’il va lui aussi adopter cette approche d’observation de l’enfant.
Une illustration
Prenons l’exemple, du petit Paul. L’équipe trouve le papa de Paul vindicatif. Il prend toujours un air défiant, sans doute pour être pris au sérieux.
Aujourd’hui, Paul s’est fait mordre à la crèche.
Les pros ont peur, qui va devoir faire les transmissions au papa ce soir?

Le soir venu, les parents de Paul arrivent. La transmission commence. Ils sont contrariés. Et pour couronner le tout, un enfant passe par là et donne une claque sur la cuisse de la maman.
Le papa explose. Ça se termine dans le bureau de la directrice. Elle écoute puis rappelle la procédure en cas de morsure et atteste que l’équipe l’a appliquée “on a tout bien fait, on a mis la glace” etc.
Très souvent en crèche, en cas d’incident, la situation est renvoyée vers la directrice. La directrice a un effet de cadrage. En général ça ne va pas beaucoup plus loin.
Pierre propose une alternative qui serait de dire au parent :
“Oui, vous avez raison, votre enfant s’est fait mordre et je comprend votre inquiétude. Alors vous savez ce qu’on va faire ? Est-ce que vous pourriez observer son comportement ce soir, voir si il est comme d’habitude, plus triste, plus agité, différent?”
Ainsi il invite le parent à collaborer avec lui dans ce travail d’observation. En l’interrogeant de cette manière, le professionnel va le calmer par une pratique (l’observation) plutôt que par un cadre (la directrice).
En conclusion
Dans ma fiche de poste de directrice de micro-crèche, assurer les transmissions difficiles lui est clairement attribué. Je pense que la directrice doit soutenir son équipe, l’assurer.
Parce que je sais à quel point effectuer les transmissions peut être un challenge pour certains pros de crèche.
Mais je suis réellement convaincue par l’approche de Pierre : parler de nos observations aux parents et les inviter à y participer.
C’est la possibilité d’un engagement différent pour le parent aux côté de l’équipe.
C’est parler aux parents de la réalité de notre travail, un travail d’observation, de ressentis, d’écoute. Un travail profondément humain, qui nécessite de l’empathie.
Parler de nos efforts, de nos incertitudes, de nos tâtonnements.
En toute humilité.
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